Cela faisait déjà quelques années que nous souhaitions effectuer un
séjour aux Canaries, connues pour leur soleil assuré et des paysages
volcaniques grandioses (dont le pic de Teide, 3700 m, point culminant de
l'Espagne). En 2007, nous avions longuement hésité entre les Açores et
les Canaries, finalement les îles portugaises l'avaient emporté, par
chance pour nous puisque de gigantesques incendies avaient dévasté les
Canaries cette année là...
Pas de chance, cette année 2012 a été
terrible pour la nature en Espagne, après la pire sécheresse depuis 70
ans. Entre juillet et août ce sont des milliers d'hectares qui ont été
réduits en fumée, 4000 personnes évacuées sur la Gomera. Le
risque était maximal lors des épisodes de calima, vent provenant du
Sahara, qui est extrêmement chaud et sec (plus de 40°C),
particulièrement en haute et moyenne altitude. Lorsque nous avons
atterri à Tenerife le 19 juillet, un important incendie rongeait la
couronne forestière au sud de l'île, du côté de Vilaflor, l'accès au
Pic de Teide était coupé et un séjour en haute altitude rendu impossible
par la chaleur infernale qui y règnait. Après quelques jours passés au
camping de la Punta del Hidalgo, au nord de l'île, nous avons décidé de
passer sur l'île de Gomera où aucun incendie n'était signalé.
Avant de quitter le secteur d'Anaga, nous effectuons une rando à la journée vers Chimanada. Partis
très tôt, à notre retour nous devons enjamber un ruban du service
forestier qui interdit l'accès au massif du fait des risques d'incendie.
Nous partons donc vers Santa Cruz en bus, y prenons un bus gratuit vers
le sud de l'île, Los Cristianos et prenons un bateau de la compagnie
Armas (moins chère et moins rapide que son concurrent Fred Olsen).
La Gomera
Nous
arrivons en soirée à San Sebastian, capitale de la Gomera. Nous avons
prévu de bivouaquer sur la plage de la Guancha, aussi nous ne traînons
pas pour trouver le sentier côtier . Il fait nuit noire quand nous
arrivons sur cette plage déserte. Nous trouvons un coin de bivouac dans
le sable et nous décidons (pour la première fois) de ne pas monter nos
abris, bivouac à la belle étoile ! Nous conserverons cette habitude lors
de tous nos bivouacs aux Canaries...
Arrivée à La Gomera
San Sebastian
Playa de la Guancha (un seul cabanon blanc inhabité sur la plage)
Les joies du bivouac à la belle étoile
Le lendemain, nous repartons
relativement tôt car nous devons rejoindre l'autre versant de l'île en
passant par la crête, donc pas loin de 1000 m de dénivelé dans un
barranco à l'ambiance désertique. On transpire à grosses gouttes et
chacun boit ses 3 litres d'eau. Nous nous égarons un peu, malgré les
indications très précises du topo et arrivons au bord d'une route où la
chaleur écrasante et la pénurie d'eau incite les filles à faire du stop
jusqu'au
restau-mirador de Peraza. Quant à moi et Louis, c'est presque arrivés au
but que
nous sommes pris par un baroudeur allemand, biologiste-plongeur qui nous
affirme que le meilleur endroit pour pratiquer la plongée est la
Bretagne et l'archipel des Glénans !
La playa del Cabrito
On remonte le barranco Juan de Vera.
C'est en face de ce bassin qu'il faut tourner à droite (sentier mal balisé).
A l'ombre du Roque del Sombrero (672 m)
Une bergerie
L'étrange empreinte d'un mouton...
Degollada de Peraza
Requinqués par un repas bon marché,
nous repartons vers El Cedro, unique camping de l'ile, par un sentier
ombragé dans la laurisylve, sorte de maquis constitué de lauriers et de
bruyères arborescentes. Ambiance forêt vierge qui contraste fortement
avec le versant sec de l'île. Pas de sources à La Gomera, mais des
brumes qui montent régulièrement de l'océan et permettent à l'écosystème
du Parc de Garajonay de survivre même lors des pires sécheresses.
Dans la laurisylve vers El Cedro...
Le
camping d'El Cedro (2 €/ pers.) est situé à la limite du parc national
dans une clairière magique, envahie fréquemment par les nuages. On
enfile d'ailleurs nos polaires ! Bâti en terrasses, avec des sanitaires
rustiques (douches à ciel ouvert), nous sommes les seuls campeurs ce
soir-là. Nous profitons du restau qui ferme à 20h pour un excellent
repas, peut-être le meilleur des vacances (en particulier le potaje de
berros servi dans une grande écuelle en bois).
Au camping, la montée de la brume...
Le lendemain, nous
effectuons une petite rando en forêt avec au départ un tunnel servant à
un canal d'irrigation. Ambiance fraîche, arbres tordus couverts de
barbes de lichen, ruisseau, on se croirait en Bretagne !
On s'amuse avec la frontale dans le tunnel !
Le
jour suivant, nous grimpons par des sentiers forestiers jusqu'au point
culminant de l'île, l'Alto de Garajonay, 1487 m, lieu sacré des
aborigènes, dernier refuge pour eux ; des cercles de pierre témoignent de
leur présence passée. Les nuages nous empêchent de profiter du paysage
qui est paraît-il grandiose...
En descendant vers l'ouest,
l'horizon s'éclaircit. Nous passons au milieu d'un maquis reconstitué après que les forestiers aient supprimé les résineux qui avaient pris la place de la forêt originelle. En descendant vers la mer, le paysage redevient beaucoup plus aride, preuve que les brumes n'atteignent pas cette partie sud de l'île.
Nous arrivons à Chipude, y faisons les courses
puis descendons le barranco de Valle Gran Rey* par le village de
Cercado. Cette vallée est sublime ! Le sentier dévale jusqu'au fond de ce
large barranco aux roches foncées.
* Cette vallée sera dévastée par un terrible incendie trois semaines plus tard : article incendie
* Cette vallée sera dévastée par un terrible incendie trois semaines plus tard : article incendie
En fond de vallée apparaissent des
cultures en terrasse, des maisons blanches à toit plat au milieu d'une
luxuriance de palmiers, et d'arbres fruitiers exotiques : manguiers,
avocatiers, bananiers, ananas...
Avocats
Mangues
Papayes
Playa de Vallle Gran Rey
Le chemin pavé nous amène jusqu'à la
playa de Valle Gran Rey où se trouve une station balnéaire plutôt modeste.
Nous continuons vers la playa del Inglés pour bivouaquer. Des rouleaux
incessants déferlent sur cette magnifique plage de sable noire dominée
de falaises. Nous mettons un peu de temps à trouver un bivouac un
peu isolé (il y a plein d'emplacements délimités de galets mais nous
péfèrons nous mettre à l'écart du chemin et de la ville). Nous trouvons
notre bonheur sur une petite pointe sauvage. Encore une nuit magique,
sous les étoiles, frôlés par les puffins cendrés aux cris déchirants et
bercés par le bruit des vagues s'écrasant sur les rochers ocres.
Premiers essais de photo nocturne longue pause sur trépied Ultrapod 2.
Pas évident sans lampe rouge. Surtout pas facile de trouver
l'horizontale... Enfin, je jette mon filet au hasard et tente de capter
l'ambiance galactique qui nous domine dès que la Lune a consenti à se
coucher... Pour un résultat plus satisfaisant, il aurait fallu prendre
plusieurs photos identiques successivement et les empiler ensuite avec
Deepskystacker + darks+ flats à la maison. J'opte pour une seule pause,
n'ayant pas assez de réserves d'énergie électrique...
Pas évident de doser et les contrastes et la luminosité ...
Là, un peu de triche, j'ai traité la mer et le ciel séparément ...
Un peu trop lisse et droit quand même! ;-)
Les lueurs d'El Hierro à droite de la voie lactée...
Un puffin qui a voulu voler trop bas ?
La playa del Inglés tôt le matin.
Refus
d'obstacle, lever tardif, climat émollient, falaise à escalader en
plein sud (+800 m), on quitte Valle Gran Rey en bus, non sans avoir
profité de la plage. Arrivés à Arure, sur le plateau, pause
restau puis descente vers Alojera par un extraordinaire sentier à flanc
de falaise. A Alojera, on attend l'ouverture du mini supermercado à
horaires aléatoires.
Alojera
On chemine dans un petit canyon vers la mer.
Puis on descend vers la plage del Trigo en suivant
scrupuleusement les indications du topo car on emprunte un labyrinthe de
barrancos au milieu des maisons du village. La plage est magnifique,
par contre, impossible de se baigner, trop dangereux. Autour de la plage
une multitude de coins de bivouacs attestent d'une fréquentation non
négligeable malgré son isolement. Un tronc gravé HM (Marcuse ?), un
morpion dessiné à la peinture, un stock de papier hygiénique sous un
abri de cannisses nous laissent imaginer que l'endroit est peuplé d'une
tribu hippie spécialiste de la spirale en galets. Mal à l'aise, nous
remontons vers l'autre plage d'Alojera, mais celle-ci est encerclée de
maisons et est étroite.
Playa del Trigo
Quelle prévoyance !
La plage d'Alojera
On retourne donc s'installer à la playa del Trigo dans un coin un peu isolé. En fait, nous ne verrons personne de la nuit et ce sera un des plus beaux coins de bivouac du mois. Au loin les lumières de l'île d'El Hierro semblent à l'origine du nuage céleste. Après pas mal de tentatives pour immortaliser les lieux en longue pause avec l'appareil photo (30 s, 3200ISO), je me couche à 4h20 !
Assemblage de plusieurs photos
Un coupe de frontale sur la plage...
Les lueurs de La Palma (le rocher au premier plan est éclairé à la frontale)
Playa del Trigo en longue pause nocturne (assemblage de trois photos)
28
juillet : De retour à Alojera, en pleine chaleur (il est 13h30), les
maux de ventre de Joséphine et le peu d'enthousiasme de certaines nous
incite à prendre le bus. Hélas, pas de bus le samedi sur cette ligne... On
tente le coup en stop, avec une voiture par demi-heure : pas gagné !
Enfin, une voiture s'arrête et conduit les trois filles jusqu'à Chorros
d'Epina. La gente masculine quant à elle assume ses choix et gravit la
côte en pleine chaleur. Dégoulinants de sueur malgré le vent, on
retrouve ces dames au restau panoramique pour se désaltérer.
Spécialité de la région d'Alojera : le miel de palme, réalisé à partir de la sève des Phoenix canariensis (palmiers des Canaries)
Quan on sait que la base des palmes est couverte de dards très dangereux, ça impose le respect pour ces palmiculteurs !
Réserve d'eau pour palier à la sécheresse ...
Vue depuis Chorros de Epina
Una cerveza !
Enorme figuier de barbarie
Agave en fleur
La
descente vers Vallehermoso suit une crête aride, couverte de figuiers de
barbarie et d'euphorbes des Canaries. En ville, nous cherchons une
pension ou un hôtel bon marché afin de prendre une douche
(sable + sel + poussière agglomérés par la sueur : beurk !). Le meilleur prix
est au restau Amaya sur la place du village (15€/pers). Un vieil hippie
édenté nous proposait sa casa rural au même prix mais l'aspect du
propriétaire a éveillé de la suspicion... Le soir, repas (10€) sur la
place de la ville aux premières loges du concert (Baräka : musique
cubaine, beat-box, claquettes et Dumbura : percus, balafon, danse
africaine), soirée très sympathique !
Vallehermoso
29 juillet : Comme
souvent à La Gomera, il faut franchir 800 à 900 m de dénivelée par des
sentiers de montagne pour passer d' un barranco à un autre (l'île a une
structure "en étoile" avec des vallées qui partent du point culminant).
Le vent est bienvenu pour climatiser notre ascension au soleil. :-)
Roque el Cano (650m)
Nous
arrivons en soirée à Agulo sur le versant "brumisé" de l'île. Village
magnifique dominant des terrasses dévalant jusqu'à l'océan, encadré de
falaises : grandiose. Nous trouvons notre bonheur pour la nuit sur une
terrasse à proximité du mini-port de pêche (une digue venant renforcer
un bassin naturel, les barques de pêche sont hissées au bord du sentier.
Encore une belle nuit sous les étoiles, la vue nocturne sur le Teide
est toutefois altérée par la pollution lumineuse des stations du sud de
Ténérife.
Agulo
Arbres plusieurs fois centenaires souvent présents sur les places
Fruits de la passion
Préparatif du repas sur la cale du port
Malgré la concurrence des éclairages de Los Cristianos, Vénus impose son reflet au-dessus du Teide !
Version bleue
30 juillet : Après quelques tentatives vers
4h30 pour photographier le ciel, je m'assoupis avant d'être réveillé
vers 7 h par des pêcheurs qui descendent vers le port.
Vers 10h nous
remontons vers Agulo pour y faire des courses et redescendons par un
joli sentier côtier empruntant des chemins pavés de galets très raides
au milieu des terrasses. Nous arrivons à la magnifique plage d'Hermigua,
faisons une halte dans la buvette-écomusée (en particulier pour
recharger nos batteries) puis consacrons 2 bonnes heures à jouer dans
les rouleaux de ce qui doit sûrement être un spot de surf ! Rinçage de
sinus garanti.
La baie d'Hermigua
Le matelas autogonflant Prolite XS au banc d'essai comme bodyboard : pas concluant !
Playa d'Hermigua
Nous abandonnons l'option vers le plateau de las
Casas de las Cuevas blancas par une piste forestière, par flemme et
parce que des nuages commencent à masquer les hauteurs : autant rester au
bord de l'eau. On part donc chercher un lieu de bivouac vers la playa
de la Caleta. De la crête, celle-ci me semble peu propice à un bivouac
tranquille (restau, route) et j'entraîne tout le monde sur le sentier
vers la Punta de Lorenzo. Par chance, je tombe sur une magnifique
plate-forme-mirador idéalement située sur une fine arête à pic au-dessus
de la petite baie : il était temps car la tension dans le groupe était à
son summum ! ( Scrogneugneu on est encore parti pour errer dans la nuit
sur un sentier pourri pendant des heures ! Cathy, Louis et moi
continuons jusqu'à la pointe pendant que les filles se relaxent :
magnifique rando !
Playa de la Caleta
Notre mirador-bivouac
Maisons d'Hermigua, site auquel des climatologues auraient décerné le titre de climat le plus agréable du ... monde !
31 juillet : Transfert en bus vers San
Sebastian (on laisse de côté une partie très sauvage de l'île mais nous
pensons qu'il vaut mieux éviter les endroits trop isolés du fait des
risques d'incendie). En attendant le bateau pour La Palma (à 20 h 30),
nous profitons de la plage de La Cueva...
Retour à San Sebastian
Playa de la Cueva
A suivre: La Palma...
Magnifiques photos!!
RépondreSupprimerNous partons demain pour une semaine à La Goméra. Au vu de ce blog nous ne regrettons en rien notre choix!!
Merci pour ce partage! :-)
Combien de temps êtes vous restez a la gomera ?
RépondreSupprimerInconditionnels des Canaries depuis 10 ans, surtout La Palma; j'ai beaucoup apprécié votre reportage. Il montre parfaitement la diversité des paysages que l'on peut découvrir au fil de l'itinérance (ou randos), des contrastes de température et aussi la zenitude dès que l'on quitte les zones urbaines. Chaque ile est différente de par sa taille et son type de volcanisme. Fuerteventura très sableuse et battue des vents; Lanzarote, ile désertique et lunaire ; El Hierro, ile confidentielle, sauvage, au bout du monde; Grande Canarie, grande ile avec des canyons profonds et des massifs tabulaires qui rappelle des paysages américains, Teneriffe, son parc national grandiose et très beau ; La Palma, ile moyenne, très belle et tranquille, sa Caldeira et des a-pics vertigineux. Ces iles ont une histoire très riche, un folklore très ancré, de belles petites villes et villages , de belles plages sauvages qui se méritent et une mer pas toujours tranquille mais avec des vagues impressionnantes...Un vrai paradis, un petit monde à elles seules. On adore!
RépondreSupprimerCatherine et Jean-Yves
Bonjour,
RépondreSupprimerTout d'abord, félicitations pour votre blog, très belles photos et riche d'informations.
Nous projetons, ma compagne et moi, une rando d'une douzaine de jours à la Gomera pour ce printemps et nous avons quelques conseils à vous demander:
- l'ile étant très peu peuplée, trouve-t-on facilement du ravitaillement ou faut-il prévoir tous les repas?
- Le ravitaillement en eau potable est-il facile?
- Vous avez bivouaqué tous les soirs. Nous avons pu lire que le camping sauvage est interdit. Dans la réalité est-ce toléré ou est-il plus prudent de se cacher?
- Quel type de réchaud est le plus adapté (gaz, bois, essence) au vu du risque d'incendies? Trouve-t-on du gaz sur l'ile?
Merci pour vos réponses
Nicolas